Quand la paix devient une stratégie : la libération de 5 000 talibans et l’accord de Doha

 

En février 2020, un événement majeur bouleversait le destin de l’Afghanistan : les États-Unis signaient un accord historique avec les talibans, sans l’implication directe du gouvernement afghan. Ce traité, signé à Doha, devait ouvrir la voie à la fin de plus de 18 ans d’intervention militaire américaine. Mais derrière cette volonté affichée de paix, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer un compromis précipité, aux conséquences lourdes et durables.

Un accord sans Kaboul

L’un des éléments les plus controversés de cet accord fut la décision des États-Unis de négocier directement avec les talibans, en contournant le gouvernement afghan alors en place. Cette démarche, bien qu’efficace sur le plan diplomatique, a considérablement affaibli la légitimité des institutions afghanes et creusé davantage le fossé entre les talibans et Kaboul.

En acceptant le retrait progressif de leurs troupes en échange d’engagements vagues de la part des talibans, les Américains ont accordé à ces derniers une reconnaissance politique inespérée, sans véritable contrepartie concrète sur le terrain.

La libération de 5 000 combattants : un geste lourd de conséquences

L’un des points-clés de l’accord était la libération de 5 000 prisonniers talibans, en échange d’un engagement de bonne foi de leur part. Présentée comme une mesure de confiance, cette libération a suscité une profonde inquiétude. Pour de nombreux Afghans, il s’agissait d’un acte dangereux qui permettait à des combattants expérimentés de reprendre les armes.

Cette mesure a en réalité accéléré la prise de pouvoir des talibans. Elle a été facilitée par le soutien logistique et politique du Pakistan, acteur régional dont le rôle dans la crise afghane est régulièrement pointé du doigt.

Un processus de paix inexistant

Malgré les engagements sur le papier, les pourparlers de paix entre les talibans et le gouvernement afghan n’ont jamais réellement abouti à une feuille de route viable. Les puissances internationales et régionales, bien que mobilisées, n’ont pas réussi à contenir la montée de la violence ni à instaurer un dialogue sincère et constructif.

Les mois qui ont suivi ont été marqués par des attentats, des exécutions ciblées et une instabilité généralisée. La population civile s’est retrouvée au cœur d’un engrenage de terreur, entre l’espoir d’une paix promise et une réalité de plus en plus sombre.

Une paix précipitée pour des raisons politiques ?

Certains observateurs estiment que l’accord de Doha a été précipité dans le but de répondre à des objectifs électoraux internes aux États-Unis. À l’approche de l’élection présidentielle, il était politiquement opportun pour Washington de démontrer qu’elle mettait fin aux « guerres sans fin », même au prix d’une sortie précipitée et mal encadrée.

Cette approche a révélé une profonde déconnexion entre les décisions diplomatiques prises en Occident et les réalités du terrain en Afghanistan. Le peuple afghan, pourtant directement concerné, n’a pas été consulté ni représenté de manière sérieuse dans ce processus.

En conclusion, un échec coûteux, une leçon pour l’avenir

Ce choix, imposé sans réelle participation populaire, s’est fait au détriment du peuple afghan. Aujourd’hui encore, les conséquences sont visibles et douloureuses : les femmes privées de leurs droits, la jeunesse sans avenir, un peuple livré à lui-même sous une politique archaïque et autoritaire.

Tout cela résulte d’une intervention internationale non réfléchie, guidée par des intérêts stratégiques et électoraux, plutôt que par une véritable volonté de reconstruction durable. L’investissement colossal en temps, en ressources humaines et financières se heurte à la dure réalité : la manière dont les puissances sont sorties d’Afghanistan représente un échec concret, à tous les niveaux.

C’est dans ce contexte qu’il est essentiel de valoriser notre bagage culturel. Ce dernier nous permet de comprendre les dynamiques profondes entre l’histoire de l’Asie centrale et celle de l’Occident, entre interférences politiques et responsabilités partagées. Pour les jeunes générations afghanes, notamment en diaspora, il est crucial de tirer des leçons de ce passé pour mieux se construire, entre enracinement et ouverture, entre mémoire et avenir.

 

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