Une lutte de longue date
Depuis des décennies, les femmes afghanes se battent pour leurs droits. Et depuis des décennies, des hommes — proches ou inconnus, talibans ou figures ordinaires — s’acharnent à leur barrer la route. Coutumes archaïques, lois iniques, violences physiques ou symboliques : tout semble pensé pour contenir cette moitié du peuple, comme si l’on craignait ce qu’elle incarne.
Et pourtant, lorsque l’on parcourt l’histoire de notre région — l’Ariana, le Khorasan, l’Afghanistan — on découvre des figures féminines d’une grandeur inégalée. Des femmes qui ont forgé la mémoire, l’âme et la dignité de nos terres.
Héritières de l’histoire
Il y eut Tomyris, reine guerrière qui mit fin au règne du grand Cyrus.
Rabia Balkhi, poétesse libre et martyre de l’amour.
Goharshad, mécène des arts et du savoir, qui fit rayonner Hérat.
Ayesha Durrani, pionnière de l’éducation féminine à Kaboul.
Soraya Tarzi, première dame moderne, symbole d’émancipation.
Et Malalaï de Maiwand, héroïne tombée à 18 ans pour sa patrie.
Elles sont l’histoire, elles sont la dignité, et elles sont la preuve.
La preuve que l’Afghanistan n’a jamais été un désert d’esprit ou d’honneur.
La preuve que notre identité porte en elle la grandeur des femmes.
Depuis 2021 : l’effacement organisé
Depuis leur retour au pouvoir, les talibans ont mis en place un système de répression totale :
Fermeture des écoles pour filles
Interdiction du travail
Accès interdit aux parcs, aux universités, aux gymnases
Port obligatoire de la burqa
Voyages interdits sans un homme comme tuteur légal
Les femmes sont effacées de l’espace public. Mais jamais de la mémoire.
Car c’est cette mémoire qu’ils redoutent le plus.
Ce n’est pas seulement l’éducation qu’ils interdisent,
c’est la liberté qu’ils redoutent.
Ils prétendent agir au nom de la foi, mais ils violent la dignité de nos mères, de nos sœurs, de nos filles. Pourtant, nos textes religieux, tout comme notre histoire, ont toujours mis en avant la quête de savoir, la liberté et l’égalité spirituelle.
« La recherche du savoir est une obligation pour tout musulman. »
— Sunan Ibn Mājah, Hadith n°224
Rapporté également par Al-Bayhaqī et Al-Ṭabarānī
Leur peur est leur moteur
Ils n’agissent pas par conviction, mais par peur.
La peur de ces femmes qui portent la mémoire des poétesses, des reines, des résistantes.
La peur que l’éducation rallume ce feu sacré qu’ils n’ont jamais pu éteindre.
La peur de la liberté qu’elles incarnent.
Notre silence est aussi une arme
Je n’accuse pas seulement les talibans.
J’accuse ceux qui se taisent.
Ceux qui profitent.
Ceux qui justifient.
Nous avons laissé s’installer, génération après génération, l’idée que la femme devait obéir, servir, se taire.
Nous avons validé par notre silence l’idée que leur vision était “la bonne”, ou “culturelle”.
Et pourtant, notre culture dit tout le contraire.
Notre foi dit tout le contraire.
Notre histoire dit tout le contraire.
Elle dit que l’homme et la femme sont chacun porteurs d’un souffle divin, et que l’un sans l’autre n’est que déséquilibre.
À nous de prendre le relais
Aujourd’hui, c’est à nous, femmes et hommes issus de la diaspora, de porter cette mémoire, d’amplifier cette voix.
Nous devons partager, protester, soutenir. Avec la force de notre savoir, de notre liberté d’expression, de nos réseaux.
Et n’oublions jamais : aux quatre coins du monde, il existe des femmes d’origine afghane brillantes, courageuses, créatives. Elles sont le miroir vivant de celles que l’on tente de faire taire en Afghanistan.
Elles sont les héritières naturelles de Rabia, Goharshad, Soraya et Malalaï.
Elles sont l’avenir, car elles n’ont jamais cessé d’être la mémoire.
